
Julien Dugourd, portrait d'un chef pas comme les autres !
JULIEN DUGOURD
Il a côtoyé les plus grands (Veyrat, Michalak, Ducasse, Klein) et travaillé dans les plus belles maisons (La ferme de mon père à Megève, le Plaza Athénée à Paris, le Louis XV à Monaco). Il compte de nombreux prix à son palmarès, notamment celui de la coupe d’Europe de Sucre Artistique qu'il remporte en 2007 après être arrivé 2ème et 3ème précédemment. Depuis 11 ans, il a posé ses valises à la Chèvre d’Or, une institution aux deux étoiles Michelin, implantée à Eze, entre Nice et Menton.
À 37 ans, Julien Dugourd est l’un des pâtissiers les plus en vogue. Ses pâtisseries se distinguent par un design élégant et contemporain, des formes simples et des couleurs percutantes. Légers et peu sucrés, ses desserts sont l’œuvre d’un savant mélange de textures « classiques » (croquant, glacé, moelleux…).
Fou de fruits, Julien Dugourd les réinvente et les met en scène comme personne. Son dessert signature est le Citron, un trompe-l’œil, que le chef Dugourd travaille et améliore depuis dix ans.
Doué, tatoué, rieur et spontané, Julien Dugourd est aussi un personnage atypique, un électron libre mais réfléchi, un pâtissier hors catégorie, un homme de valeurs.
Rencontre avec quelqu’un de bien !
Ça ressemble à quoi une journée type de Julien Dugourd ?
Ça n’a rien d’exceptionnel ! Je me lève assez tôt, mais comme je suis long au démarrage, j’ai besoin de boire mon café et de rester 45 minutes dans le canapé avant de m’activer.
Ensuite, je pars à la Chèvre d’Or et je travaille avec mes équipes jusqu’à 15h30-16H environ.
Après, je fais du sport. C’est important de faire attention à soi quand on prend de l’âge ! (Rires) Je vais à la salle où je pratique des arts martiaux. C’est une discipline que je trouve très proche de l’univers de la pâtisserie.
Puis, douche, dîner et retour au travail entre 18h30 et minuit environ. J’habite à côté de mon lieu de travail et sur le trajet retour, j’ai la « minute remise en question ». Je fais le bilan de ma journée, j’identifie ce qui a bien fonctionné et ce qui aurait pu être mieux.
Une fois chez moi, je me pose, je lis, je vais sur internet. Je ne décroche pas du boulot, même la nuit. Il m’arrive de me réveiller à 3h du matin parce que j’ai une idée lumineuse. Quand cela arrive, je prends des notes, je fais des croquis… Le matin, mes idées nocturnes m’apparaissent toujours intéressantes mais bien plus difficiles à mettre en œuvre que ce que j’aurais pensé sur le coup!
Vous êtes tenace ?
Oh oui ! Quand j’ai une idée en tête, en général, rien ne m’arrête. Je ne lâche pas le morceau comme on dit. Jamais ! Cela vient sûrement de mon passé. Je suis le premier enfant né sans diaphragme à avoir survécu à l’opération. Ma vie, c’est du bonus, alors j’en profite et je vais au bout des choses.
Diriez-vous aussi que vous êtes quelqu’un de carré ?
À la maison, ma femme vous dirait plutôt que je suis bordélique (rires) mais au travail oui, j’ai besoin que tout soit cadré, carré, organisé ! On ne me croit jamais quand je le dis, mais je suis un feignant. J’ai tellement travaillé jour et nuit pour préparer mes concours que je suis usé. Aujourd’hui, pour m’autoriser cette fainéantise, je dois aller à l’essentiel et faire en sorte que tout soit nickel, tout de suite. Du coup, je dois être hyper organisé.
Et à la maison justement, qui cuisine ?
En général, c’est madame qui s’en charge et au mieux on cuisine à tour de rôle. Je ne suis pas difficile. Remplissez le frigo de blancs de poulet et je serai satisfait ! (Rires) Quant à la pâtisserie, ma femme n’aime pas trop le sucré et ne court pas après les gâteaux, donc elle ne m’en demande pas forcément. Elle goûte même rarement les nouveautés que je sors!
Qu’aurait fait Julien Dugourd s’il n’avait pas été chef pâtissier ?
Pilote de rallye ou astronaute, histoire de voir ce qui se passe sur la lune !
Comment définiriez-vous votre parcours ?
Tout a été réfléchi. Tout a été pensé et rien n’a jamais été laissé au hasard. Le CV c’est comme la carte d’identité: ça colle à la peau à vie. Donc il ne faut pas se tromper et construire intelligemment sa carrière. Pour cela, il faut réfléchir avant d’agir : sélectionner de belles maisons et y rester quelques années au lieu de papillonner d’établissement en établissements. Dans nos métiers, être fiable et stable est un critère-clé pour réussir.
Un conseil à donner aux passionnés de pâtisserie ?
Travailler !! Il faut se donner à fond. On ne peut pas arriver à un bon niveau sans travail.
Comment qualifierez-vous votre pâtisserie ?
Je vais emprunter les termes de Christophe Michalak : simple et efficace. Mes desserts sont réalisés à partir de bons produits et je m’attache à enlever tout ce qui ne sert à rien. Quand on part avec une bonne matière première (du bon beurre, de la bonne farine, de la bonne vanille, du bon chocolat, de bons fruits) on n’a en général pas besoin d’en faire des caisses pour sortir quelque chose de bon.
Combien d’essais pour arriver au dessert parfait ?
Oulala ! Il en faut des essais ! En toute sincérité je ne les compte pas.
Le Citron de la Chèvre d’Or évolue encore, alors que je le travaille depuis plus de 10 ans.
S’il fallait donner un chiffre moyen, je dirais une dizaine d’essais. Et puis parfois il y a des miracles. Il m’est arrivé de sortir des pâtisseries top du premier coup. Mais ce n’est pas tous les jours comme ça !
Un mot que vous associez systématiquement au mot pâtisserie?
Je peux en associer deux ? Transmission et respect.
Ce sont deux valeurs que l’on retrouve sur le tatami et que je rapporte dans mon laboratoire.
Un avis sur le désucrage ?
C’est une tendance. Un jour, il y en aura une autre. Aujourd’hui, la volonté de la clientèle est au désucrage mais gare au sucre de substitution. Je voudrais quand même rappeler qu’en pâtisserie, le sucre aide à plein d’autres choses qu’à sucrer !
S’il n’y avait qu’un fruit à associer à la vanille, lequel serait-il ?
Olala ! Il y en a un paquet, les fruits se marient tous avec la vanille ! La question compliquée ! J’aime tous les fruits. On peut passer la question ? Non ? (Il réfléchit, hésite…). L’ananas ! L’ananas, c’est terrible avec la vanille !
Et avec le chocolat, on associe quel fruit ?
L’orange sans hésiter !! Le chocolat-orange, c’est super bon !
À l’inverse, selon vous quel fruit faut-il éviter avec la vanille ?
Autre question compliquée ! Ça se marie avec tout, la vanille ! Je botte en touche !
Et avec le chocolat, on évite quoi ?
Je dirais le coing mais seulement parce que… je n’aime pas le coing !
Votre dessert vanillé préféré ?
Le flan à la vanille! C’est vraiment bon ça !!
Votre dessert chocolaté préféré ?
Si je réponds à la question en citant l’un de mes desserts, je dirais le palais chocolat/menthe que je faisais : c’était vraiment une bombe !
Si je dois répondre par le dessert au chocolat que je prends le plus souvent quand je vais au restaurant, je dirais simplement un moelleux au chocolat … avec de la glace à la vanille !
Un chocolat chouchou de chez Valrhona ?
Le chocolat Guanaja 70% et Cœur de Guanaja 70% ! Je l’ai choisi pour ma sélection aux championnats du monde ! Je kiffe ce chocolat !
Une astuce à partager autour de la vanille ?
Donner plusieurs vies à la gousse de vanille ! La vanille c’est l’or noir de la pâtisserie. Il ne faut donc surtout pas la gaspiller et l’exploiter jusqu’au bout. Après l'avoir incisée et gratter, on peut infuser la gousse de vanille une première fois dans du lait ou de la crème, puis une deuxième fois dans l’eau dont on se servira pour obtenir une extraction de vanille. Enfin, on peut faire sécher les gousses de vanilles, puis les broyer pour obtenir de la poudre. Poudre que l'on peut mélanger à du sucre pour en faire du sucre vanillé.
Même question pour le chocolat ?
Au risque de plagier Frédéric Bau : pas d’eau dans le chocolat !
QUESTIONS FAST AND CURIOUS
Vanille ou chocolat ?
Vanille
Vanille de Tahiti ou de Vanille de Madagascar ?
Madagascar
Gourmand ou gourmet ?
Gourmand
Best ink ou Meilleur pâtissier ?
Best ink
Audacieux ou authentique ?
Authentique
Discipliné ou électron libre ?
Électron libre
Vosges ou Hautes-Alpes ?
Vosges
Paris Brest ou tarte aux fraises ?
Tarte aux fraises
Gousse de vanille tatouée sur le bras ou fève de cacao tatouée sur la jambe ?
(Rires) C’est quoi cette question ?! Allez, fève de cacao ! C’est marrant que vous posiez une question pareille ! Je vais vous faire une révélation. Sur mon mollet droit je me suis fait tatouer un coq pour symboliser la France autour duquel j'ai les desserts que j’ai réalisés : un citron, une framboise, une chouquette cerise, une pomme, une panna cotta fraise et une religieuse poire…
Un grand merci à Julien Dugourd de s'être prêté au jeu !
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