Rencontre avec Pierre-Jean Quinonero, chef pâtissier au Burgundy Paris

Comme Julien Dugourd, il a travaillé à La Chèvre d’Or (en tant que cuisinier). Comme lui aussi, il adore les flans, les motos et les chats ! En revanche, il ne serait pas devenu astronaute si la pâtisserie ne l’avait pas choisi. Non, lui aurait plutôt choisi de rejoindre les forces spéciales, comme Mathieu Robin. Rencontre avec Pierre-Jean Quinonero, chef pâtissier au Burgundy Paris, qui, à 29 ans à peine, fait déjà partie des grands noms de la pâtisserie française.

 
Pierre-Jean Quinonero

Entretien avec le chef Pierre-Jean Quinonero

Comment vous définissez-vous ?

Je suis déterminé et ambitieux. Je sais ce que je veux donc j’avance pour atteindre mes objectifs. Je suis aussi un éternel insatisfait. Je ne veux pas toujours plus, mais au travail par exemple, je veux toujours mieux ! J’ai besoin d’aller au bout des choses, de devenir plus rapide, de m’améliorer, de trouver de nouvelles techniques… Je sais que pour les autres, parfois, c’est fatiguant !

Cela demande une remise en question permanente, non ? Dans nos métiers, il est obligatoire de se remettre en question ! Il y a tellement de gens talentueux que si l’on ne se prête pas à cet exercice, on n’évolue pas et on ne parvient pas à sortir du lot !

 

Diriez-vous que vous êtes quelqu’un de carré ?

Absolument ! Vu l’univers dans lequel j’évolue, de toute façon, cela ne peut pas être autrement. J’aime que les choses soient rangées, que les recettes soient respectées au gramme près, que le laboratoire soit impeccable, que les desserts réalisés aient tous exactement la même forme… Dans notre jargon, on dit qu’il faut que tout soit « laser ». En d’autres termes, il faut que tout soit sans faute !

Dessert Pierre-Jean Quinonero
 

La Chèvre d’Or à 20 ans, le George V à 24 ans, le Burgundy aujourd’hui. Comment fait-on pour avoir un tel parcours à moins de 30 ans ?

Je ne pense pas que ce soit une question d’âge mais plutôt de maturité professionnelle. À mon sens, il faut avoir une ambition à la hauteur de ses exigences. Et pour illustrer ce propos, je prends toujours l’exemple de Pierre Hermé qui, à 24 ans, était déjà chef Pâtissier chez Ladurée. Moi, j’ai toujours su où je voulais être. Alors, j’ai travaillé et je travaille encore dur, très dur pour me faire un nom et y arriver. Mon travail, c’est ma plus grosse récompense. Naturellement, je ne compte pas travailler 15 heures par jour toute ma vie. D’une certaine façon, travailler autant aujourd’hui, c’est une manière de capitaliser et de pouvoir profiter pleinement de ma vie de famille ensuite.

 
Dessert Pierre-Jean Quinonero

Ça ressemble à quoi une journée de Pierre-Jean Quinonero ?

Je commence à 9h, en même temps que mes sous-chefs. Je fais le lien avec les équipes qui ont géré les petits déjeuners et sont en train d’avancer sur les pièces vitrine et je prépare le déroulé de la journée. Il y a plusieurs temps forts dans une journée du Burgundy : le petit déjeuner, le service du midi au bar, la vitrine, le tea-time de l’après-midi, le service du soir au restaurant gastronomique le Baudelaire, les banquets, le room service...

Je suis chanceux, car je passe 90 % de mon temps de travail en production et c’est ce que j’aime. Les 10 % restants, c’est de l’administratif : des mails à envoyer ou auxquels répondre, des plannings à organiser… Les journées sont rythmées et se terminent entre 23h30 et minuit. Et le week-end : je me repose et, souvent, je retourne en Auvergne, d’où je suis originaire. Quand je ne travaille pas, je profite de ma femme, de mes amis, de ma famille, de mon chat… C’est essentiel pour moi de garder une vie personnelle même si, dans ma tête, je ne coupe jamais vraiment avec la pâtisserie.

 

Quand et comment avez-vous su que vous vouliez être chef pâtissier ?

Je devais avoir 10 ou 12 ans. Je regardais une émission à la télé avec ma grand-mère, dans laquelle Christophe Michalak venait présenter la « bûche escalier » qu’il avait réalisée pour l’hôtel du Plaza Athénée. À partir de ce moment-là, j’ai su que le métier que je voulais faire, c’était le sien.

Pierre-Jean Quinonero

Mais j’étais plutôt du genre fâché avec l’école et que le lycée hôtelier que je visais sélectionnait ses candidats sur dossier. J’ai donc eu beaucoup de chance d’être pris ! Mon choix pour la pâtisserie s’est confirmé durant mon apprentissage. Je trouve que c’est un univers plus créatif, plus sain et plus fin encore que la cuisine.

 

Diriez-vous qu’il y a une concurrence entre les grands noms de la pâtisserie ?

Pas du tout ! Ou alors je ne la ressens pas ! Quand un chef pâtissier sort un truc chouette ou innovant, je me dis simplement : « Mais pourquoi tu n’y as pas pensé avant ? » Pour être honnête, la réussite des autres me challenge plus qu’elle ne m’agace ! Et puis, il faut savoir garder la tête froide et se rappeler qu’on ne sauve pas des vies. On fait juste des gâteaux !

 

Quelle est votre principale qualité ?

En pâtisserie, je dirais la rigueur et dans le management, l’implication et la bienveillance. L’implication d’abord, parce que l’équipe me voit produire tous les jours. Je pense que c’est important pour mes gars de me voir en production. Et puis, comme je le disais précédemment, entre les petits déjeuners, les banquets, le service au restaurant, le room service et le reste, nous travaillons sous une pression folle pour répondre à de grosses exigences. Voilà pourquoi, nous avons tout intérêt à jouer collectif et à nous serrer les coudes entre nous. C’est vraiment la dynamique que j’instaure dans ma brigade. Je ne crie jamais car je déteste cela. Les coups durs, on les vit et on les oublie. Chaque soir, quels que soient les déboires ou les erreurs commises, je remercie mon équipe et je la félicite pour le service. Ensuite, je « jette la journée à la poubelle ». Cela me permet de repartir à zéro le lendemain et de rattaquer sur de bonnes bases.

 
Dessert Pierre-Jean Quinonero

Vous dites « mes gars ». Faut-il en déduire que votre équipe est uniquement composée d’hommes ?

Pas du tout ! Il y a 4 hommes et 4 femmes ! C’est la parité parfaite ! Plus qu’ailleurs encore, la composition d’une équipe en pâtisserie n’est pas une question d’homme ou de femme. C’est avant tout une question de feeling. Vous savez, je ne lis jamais les CV des candidats que je reçois. Je les rencontre et on parle. De pâtisserie, de valeurs, de savoir-être... C’est grâce à nos échanges que je sais si cela va matcher ou non.

Je ne m’arrête jamais à une formation ou une expérience. La preuve : mon commis actuel était cuisinier. À peine huit mois après être entré chez nous, il s’apprête à devenir demi-chef de partie. Il a su s’intégrer, répondre aux attentes, se remettre en question, évoluer. C’est plutôt cela que l’on recherche dans nos métiers. Et personnellement, je préfèrerais toujours embaucher une personne moins bonne techniquement mais au savoir-être exemplaire qu’une très bonne mais très arrogante.

 

Qu’est-ce qui vous plait le plus dans votre travail ?

Peut-être l’impression de ne pas travailler ! Je suis un vrai passionné et je vis de ma passion. C’est énorme, non ? Il y a autre chose que je trouve extraordinaire : être connu et reconnu par les « papes » de la pâtisserie. Ceux que je regardais avec les yeux pleins d’étoiles m’appellent aujourd’hui par mon prénom et connaissent mon travail. Cela m’impressionnera toujours, je crois !

 

Quel est votre plus beau souvenir ?

Je n’en ai pas un : j’en ai plein ! On vit tellement de choses dans ce métier ! Je pourrais citer la 3e étoile que nous avons obtenue alors que j’étais commis au Georges V, le Championnat de France du dessert 2021 évidemment, le prix du meilleur dessert au café remis par Lebey, obtenir le poste que j’occupe actuellement …

Dessert Pierre-Jean Quinonero
 

Il parait que vous avez un goût prononcé pour les pralinés et les épices ?

Tout à fait ! J’adore le praliné… tous les pralinés ! Je trouve que le goût de fruits secs torréfiés apporte une gourmandise supplémentaire. En revanche, je les aime quand ils ne sont pas trop sucrés ! Sinon, cela devient vite écœurant !

Quant aux épices, j’en mets partout ! En plus d’offrir d’infinies possibilités, elles ont le don de sublimer n’importe quel dessert ! Par exemple, un fraisier aux clous de girofle c’est superbe ! Mais attention, il faut les utiliser comme on utiliserait un assaisonnement : avec parcimonie ! Parce que cela peut vite basculer et un dessert trop épicé peut devenir extrêmement mauvais. Au Burgundy, on pèse les épices avec une micro balance, comme les diamantaires. C’est vous dire la précision qu’elles réclament !

 

Un conseil à donner aux passionnés de pâtisserie ?

À ceux qui pâtissent pour le plaisir, à la maison : continuez ! C’est un bel exutoire ! Pour les jeunes qui veulent en faire un métier : il n’y a pas de raison que cela ne marche pas si vous êtes passionnés ! À mon sens, tout se joue entre 20 et 30 ans. 10 ans, ça semble long, mais ça passe vite, très vite même ! N’hésitez donc pas à « taper dedans », à ne pas compter vos heures et à vous remettre en question.

 
Championnat de France Pierre-Jean Quinonero

Vous avez remporté le Championnat de France de Dessert. À votre avis, qu’est ce qui a fait la différence ?

Avant de vous le révéler, je vais rappeler que, dans cette compétition, il y a 11 candidats jugés sur 4 critères : le dessert régional qui a permis d’accéder à l’épreuve nationale, la propreté, la gestion de votre commis et le dessert panier. Dans le cadre de cette dernière épreuve, vous disposez d’un panier composé d’une trentaine de produits pour réaliser un dessert dans un thème défini. En 2021, il fallait créer 3 mignardises. Je ne vous cache pas qu’un tel thème nous a tous perturbés ! Si les mignardises ne sont « que » des bouchées, elles n'en sont pas moins longues à préparer ! En d’autres termes, demander de réaliser 3 mignardises, c’est demander de créer 3 desserts différents. Il a donc fallu se creuser les méninges pour respecter le timing de l’épreuve ! J’ai finalement opté pour une pièce tiède (à base de potiron et de safran), une pièce glacée (à base de champagne et de ratafia) et une dernière, à température ambiante (à base de ganache au chocolat légèrement citronnée). C’était plutôt ingénieux et je crois que cela a joué en ma faveur.

Mais pour moi, dans ce type de concours, le plus important, c’est de miser sur des desserts très frais. Parce que si vous optez pour des recettes ultra gourmandes et sucrées et que vous êtes l’un des 5 premiers candidats à passer, ça peut marcher. Après, ça devient plus compliqué, car les jurys ont le palais saturé. Et comme on ne connait pas l’ordre de passage à l’avance, il vaut mieux miser sur un dessert frais !

 

Avez-vous un dessert madeleine de Proust ?

J’en ai plusieurs ! J’adore les flans, les Paris-Brest et les millefeuilles. Mais, le millefeuille, c’est embêtant à manger. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai voulu trouver une solution pour y remédier. Voilà comment est né mon millefeuille à emporter. Cuit dans une gouttière, il se déguste aussi facilement qu’un éclair au chocolat.

Dessert Pierre-Jean Quinonero
 
Dessert Pierre-Jean Quinonero

Comment définissez-vous votre pâtisserie ?

Gourmande mais pas trop sucrée. Je ne veux pas que les clients aient un sentiment de lourdeur après avoir dégusté l’un de mes desserts. J’aime quand le sucre apporte une saveur supplémentaire. C’est la raison pour laquelle, j’utilise beaucoup de miels de variétés différentes (sapin, lavande, fleur, châtaigner). Si je travaille en priorité le goût, ma pâtisserie accorde aussi une immense importance au visuel. Un gâteau peut être excellent, s’il n’est pas beau, il ne sortira pas !

 

Quelle est votre plus belle création ?

Là encore, je vais en citer plusieurs. J’aime beaucoup celle qui m’a fait remporter le prix du meilleur dessert au café des guides Lebey : une pâtisserie à base de cardamome verte, de whisky tourbé …et de café évidemment ! J’aime aussi beaucoup la façon dont nous avons revisité le Paris-Brest au Burgundy. On a misé sur un pochage différent, une pâte à choux moelleuse au miel, un visuel qui change. Bref, le rendu est très beau et au goût, c’est très bon !

 

Quel mot associez-vous systématiquement à la pâtisserie ?

Gourmandise ! Sinon, ce n’est pas de la pâtisserie !

 

Questions rapides et réponses spontanées

Quel est votre chocolat Valrhona préféré ?

Là encore, j’en ai deux : le Tulakalum 75% et l’Itakuja 55% pour son goût inimitable grâce à la double fermentation.

 
Quelle saveur aimez-vous associer au chocolat ?

Les épices ! Je dirais la cardamome noire et la fèves tonka.

 
Quelle saveur aimez-vous associer à la vanille ?

Je dirais l’hibiscus parce que l’acidité de la fleur casse le côté gras de la vanille. Ou alors les fruits secs. En vrai, ça marche avec tout, la vanille ! Ça apporte de la rondeur, de la finesse. La vanille est tellement riche qu’elle se suffit à elle-même !

 
Quel est votre dessert préféré au chocolat ?

Un flan au chocolat ! Ou un soufflé au chocolat avec une boule de glace vanille. Ce sont des desserts très simples, mais quand ils sont bien faits, c’est top !

 
Quel est votre dessert préféré à la vanille ?

Un flan encore ! Ou un millefeuille !

 
Vanille ou chocolat ?

Difficile ça ! On ne peut pas avoir les 2 ? Non ? Alors la vanille…. Non, le chocolat ! Non, la vanille… non, les deux, vraiment !

 
Dessert à l’assiette ou tea-time ?

Je prends beaucoup de plaisir à travailler les deux ! Je vais dire dessert à l’assiette pour le service et tea-time pour la préparation.

 
Papillote ou truffe au chocolat ?

Papillote. La truffe peut vite être écœurante.